La mise en demeure : comment faire valoir vos droits (2024)

La mise en demeure est une démarche formelle par laquelle une personne, le créancier, demande à une autre, le débiteur, d’exécuter ses obligations contractuelles ou légales. C’est un outil juridique crucial qui permet de faire valoir ses droits et de préparer le terrain pour une éventuelle action en justice. Dans cet article, nous allons explorer en détail le cadre légal de la mise en demeure, les différents types existants, le processus de rédaction et d’envoi, ainsi que les conséquences juridiques qui en découlent.

I. Le cadre légal de la mise en demeure

A. Définition juridique

L’article 1344 du Code civil définit précisément la mise en demeure :

Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation.

Ainsi, pour être valide, une mise en demeure doit comporter certains éléments essentiels :

  • La date
  • L’identification précise des parties (nom, adresse)
  • La description de l’obligation non exécutée
  • Le délai imparti pour s’exécuter
  • La signature de l’expéditeur

Il est important de noter que la mise en demeure peut résulter soit d’un acte extrajudiciaire (sommation par huissier, lettre recommandée avec accusé de réception), soit, si le contrat le prévoit, de la seule exigibilité de l’obligation (échéance d’un terme, par exemple).

B. Contextes d’application

La mise en demeure trouve son utilité dans de nombreux domaines du droit :

  1. En matière contractuelle : Elle permet à une partie de demander à l’autre de respecter ses engagements, comme le paiement d’une facture, la livraison d’un bien ou l’exécution d’une prestation de service. La mise en demeure est souvent un préalable indispensable avant de pouvoir engager la responsabilité contractuelle du débiteur défaillant.

  2. Dans le droit de la consommation : La mise en demeure est un outil de protection des consommateurs face aux manquements des professionnels. Par exemple, en cas de non-conformité d’un produit ou de retard dans l’exécution d’une prestation, le consommateur peut mettre en demeure le professionnel de respecter ses obligations légales ou contractuelles.

  3. En droit du travail : La mise en demeure peut être employée par un salarié pour demander à son employeur de régulariser une situation illégale, comme le non-paiement de salaire, le non-respect des conditions de travail ou le défaut de remise de documents obligatoires (bulletin de paie, attestation Pôle emploi, etc.).

II. Les types de mise en demeure

A. Mise en demeure amiable

La mise en demeure amiable est une démarche non judiciaire, souvent utilisée comme un préalable avant d’entamer une procédure contentieuse. Elle peut prendre diverses formes :

  • Une lettre simple de relance, pour demander le paiement d’une facture en retard par exemple
  • Une lettre recommandée avec accusé de réception, qui apporte la preuve de l’envoi et de la réception du courrier
  • Une sommation par acte d’huissier, qui confère une valeur juridique supérieure à la mise en demeure

Bien que non obligatoire dans la plupart des cas, la mise en demeure amiable est fortement recommandée pour tenter de résoudre un litige à l’amiable, avant d’envisager une action en justice. Elle démontre la bonne foi du créancier et peut inciter le débiteur à régulariser rapidement sa situation pour éviter un procès.

B. Mise en demeure judiciaire

Lorsqu’une procédure judiciaire est déjà en cours, on parle de mise en demeure judiciaire. Elle est généralement rédigée par un avocat et vise à demander formellement l’exécution d’une décision de justice, comme le paiement de dommages et intérêts ou l’expulsion d’un locataire après résiliation du bail.

La mise en demeure judiciaire est une étape importante avant de recourir aux voies d’exécution forcée, comme la saisie des biens du débiteur. Elle doit respecter un formalisme strict et être signifiée par un huissier de justice pour produire ses effets légaux.

III. Processus et rédaction d’une mise en demeure

A. Rédaction de la mise en demeure

La rédaction d’une mise en demeure doit respecter un certain formalisme pour être valide et efficace. Voici les étapes clés à suivre :

  1. Identification des parties : Indiquez clairement les nom, prénom, adresse et qualité (particulier, entreprise, association, etc.) du créancier et du débiteur.

  2. Exposé des faits : Décrivez de manière précise et chronologique les circonstances qui ont conduit à la situation de non-paiement ou d’inexécution des obligations. Mentionnez les dates importantes (signature du contrat, échéances impayées, relances précédentes, etc.).

  3. Rappel des fondements juridiques : Citez les articles de loi, les clauses du contrat ou les décisions de justice qui fondent votre demande. Cela renforce la légitimité de votre mise en demeure et montre que vous connaissez vos droits.

  4. Demande de régularisation : Indiquez clairement ce que vous attendez du débiteur (paiement des sommes dues, exécution d’une obligation, remise de documents, etc.) et fixez un délai raisonnable pour qu’il s’exécute. Soyez ferme mais poli dans votre ton.

  5. Mention des conséquences en cas de non-respect : Précisez que si le débiteur ne défère pas à la mise en demeure dans le délai imparti, vous engagerez une procédure judiciaire à son encontre. Vous pouvez également mentionner que des pénalités de retard ou des dommages et intérêts seront réclamés.

  6. Signature : La mise en demeure doit être datée et signée par le créancier ou son représentant légal (avocat, huissier, etc.).

B. Envoi de la mise en demeure

Une fois rédigée, la mise en demeure doit être envoyée au débiteur de manière à prouver sa réception. Deux moyens sont particulièrement recommandés :

  • La lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) : Elle permet d’avoir la preuve de l’envoi et de la réception du courrier par le destinataire. En cas de litige, vous pourrez produire l’accusé de réception signé.

  • La signification par huissier de justice : L’huissier se charge de remettre en main propre la mise en demeure au débiteur (ou à une personne habilitée à la recevoir) et dresse un procès-verbal de signification. C’est le mode de notification le plus sûr juridiquement, mais aussi le plus coûteux.

Il est essentiel de conserver une copie de la mise en demeure envoyée et de l’accusé de réception ou du procès-verbal de signification. Ces documents seront des preuves précieuses en cas de procédure judiciaire ultérieure.

IV. Les conséquences de la mise en demeure

A. Effets juridiques

La mise en demeure produit plusieurs effets juridiques importants :

  1. Point de départ des intérêts de retard : En matière contractuelle, la mise en demeure fait courir les intérêts de retard sur les sommes dues, au taux légal ou conventionnel. Cela peut inciter le débiteur à payer rapidement pour éviter que sa dette ne s’alourdisse.

  2. Préparation d’une action en justice : La mise en demeure est souvent un préalable obligatoire avant de saisir les tribunaux. Elle démontre que le créancier a tenté de résoudre le litige à l’amiable et que le débiteur est de mauvaise foi. Les juges seront plus enclins à condamner un débiteur qui n’a pas déféré à une mise en demeure.

  3. Interruption de la prescription : L’envoi d’une mise en demeure interrompt le délai de prescription de l’action en justice. Cela signifie que le créancier dispose d’un nouveau délai (généralement 5 ans en matière civile) pour agir devant les tribunaux, à compter de la date de réception de la mise en demeure.

B. Réponses possibles à une mise en demeure

Face à une mise en demeure, le débiteur peut réagir de différentes manières :

  1. Accord amiable : Le débiteur peut reconnaître sa dette et proposer un échéancier de paiement ou une solution alternative pour régulariser sa situation. Si le créancier accepte, il est conseillé de formaliser cet accord par écrit.

  2. Refus ou absence de réponse : Si le débiteur refuse de s’exécuter ou ne répond pas à la mise en demeure dans le délai imparti, le créancier pourra engager une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits.

  3. Contestation : Le débiteur peut contester le bien-fondé de la mise en demeure, en invoquant par exemple une cause d’exonération (force majeure, fait du créancier, etc.) ou en soulevant une exception (nullité du contrat, prescription de la dette, etc.). Il devra alors apporter des preuves à l’appui de ses arguments.

Conclusion

La mise en demeure est un outil juridique précieux pour les créanciers qui souhaitent faire pression sur un débiteur récalcitrant et préparer une éventuelle action en justice. Son efficacité repose sur le respect d’un formalisme strict dans sa rédaction et sa notification.

Avant d’envoyer une mise en demeure, il est important de bien peser les enjeux et les risques. Une mise en demeure mal formulée ou injustifiée peut se retourner contre le créancier et envenimer le conflit. Il est donc conseillé de se faire assister par un professionnel du droit (avocat, huissier) pour sécuriser sa démarche.

Enfin, gardez à l’esprit que la mise en demeure n’est qu’une étape dans le processus de recouvrement d’une créance. Si le débiteur n’y défère pas, il faudra envisager d’autres actions (injonction de payer, assignation en justice, saisie, etc.) pour obtenir satisfaction. La mise en demeure est un signal fort, mais elle ne garantit pas toujours le paiement effectif de la dette.

En conclusion, la mise en demeure est un instrument juridique essentiel pour les créanciers, mais elle doit être maniée avec précaution et discernement. Une bonne connaissance de ses conditions de validité et de ses effets permet de l’utiliser à bon escient pour faire valoir ses droits et favoriser le règlement amiable des litiges.

Thiébaut Devergranne
Thiébaut Devergranne
Thiébaut Devergranne est docteur en droit et expert en droit des nouvelles technologies depuis plus de 20 ans, dont 6 passés au sein des services du Premier Ministre. En savoir plus

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